Actualités

Pour nos valeurs comme pour nos intérêts, soutenons les Ukrainiens jusqu'à la victoire

«Pour nos valeurs comme pour nos intérêts, soutenons les Ukrainiens jusqu'à la victoire» Par Benjamin Haddad


FIGAROVOX/TRIBUNE - Le député Renaissance plaide pour renforcer l'appui militaire de la France à l'Ukraine ainsi que l'aide humanitaire à ce pays. Ce soutien permettra, entre autres, de renforcer notre crédibilité face à Moscou et la confiance de nos partenaires européens, ajoute-t-il. Benjamin Haddad est député de Paris, porte-parole de Renaissance et président du groupe d'amitié France-Ukraine à l'Assemblée nationale.


Les Ukrainiens ont célébré le Nouvel An sous un déluge de missiles russes, coupant l'accès à l'électricité ou l'eau de nombreux habitants à travers le pays. Ce nouveau crime de guerre contre les populations civiles vise à casser le moral des Ukrainiens. Comme j'ai pu le constater la semaine dernière à Kiev, il n'en est rien. La détermination des Ukrainiens à résister et reconquérir l'intégralité de leur territoire est totale. 

Après le succès de la contre-offensive à Kherson, les Ukrainiens espèrent lancer des opérations vers Zaporijjia et Melitopol qui permettront de retrouver l'accès à la mer d'Azov et couper la continuité territoriale russe entre Crimée et Donbass. Cependant, les officiels ukrainiens craignent aussi une nouvelle offensive russe terrestre majeure, peut-être même vers Kiev, avec l'arrivée des 200.000 réservistes attendus. 

Les prochains mois de la guerre vont être décisifs et exigent de la part des Européens un effort renouvelé dans le soutien à l'Ukraine. Vladimir Poutine a sous-estimé la résistance des Ukrainiens comme la mobilisation des Occidentaux. Son seul espoir est aujourd'hui de voir cette mobilisation faiblir et la lassitude l'emporter dans les esprits.

"La France peut jouer un rôle clé en assurant l'unité et la mobilisation des Européens en 2023."  Benjamin Haddad

La décision du président Macron annoncée cette semaine de livrer des chars légers AMX10-RC à l'Ukraine, suivie de mesures comparables de la part des États-Unis et l'Allemagne, est une étape majeure et bienvenue dans l'aide occidentale apportée l'Ukraine. La France est le premier pays à fournir des chars de conception occidentale à Kiev, un geste à la fois symbolique et concret pour aider les Ukrainiens dans les combats terrestres qui s'annoncent. 

Ne nous y trompons pas : il n'y a pas de chemin immédiat et magique vers la paix tant que la Russie occupe le territoire ukrainien. En politique internationale, comme l'avertissait Raymond Aron, le choix n'est pas entre le bien et le mal mais, entre «le préférable et le détestable». La guerre va continuer. Un cessez-le-feu artificiel, imposé de l'extérieur aux Ukrainiens, serait vu par l'agresseur russe comme une validation de ses acquis territoriaux, et un signal de faiblesse des Occidentaux. Il ne serait qu'une trêve exploitée par Moscou pour se refaire une santé militaire et préparer une nouvelle offensive. 

La France peut jouer un rôle clé en assurant l'unité et la mobilisation des Européens en 2023. La décision de cette semaine y contribuera grandement. N'en déplaise à une campagne d'autodénigrement tenace, nous sommes au premier rang des pays soutenant l'Ukraine. Selon le classement référence de l'institut Kiel, la France est le troisième contributeur financier global à l'Ukraine

Cette frappe ukrainienne qui ébranle l’armée russe Sur le plan militaire, avant la livraison des chars, la France avait notamment fourni des armements de qualité comme les fameux canons Caesar, qui ont permis la reprise de l'île aux Serpents, ou les systèmes sol-air Crotale. La France est aussi l'un des premiers contributeurs à la Facilité Européenne de Paix, un fonds de l'UE, que les autres Européens utilisent pour financer leurs propres livraisons d'armes. Enfin, Paris a créé un fonds innovant de 200 millions d'euros grâce auquel les Ukrainiens peuvent effectuer des commandes directes auprès de nos industriels de défense. Une visite du ministre des armées Sébastien Lecornu à Noël a permis de clarifier les besoins militaires de l'Ukraine dans les prochains mois et de dégager les premières commandes dans le cadre du fonds : pièces de rechange pour la maintenance des César, radar gm200, ponts flottants et peut-être bientôt de nouveaux Canons Caesar. Le sommet franco-allemand du 22 janvier peut être l'occasion d'entraîner Berlin vers de nouvelles livraisons, alors notamment que Kiev espère l'arrivée de chars Leopard allemands. 

" Face à cette guerre, nos valeurs et nos intérêts convergent. Nous défendons le droit d'un peuple voisin à vivre librement, condition du retour de l'ordre et la stabilité sur notre continent."  Benjamin Haddad 

 Cet appui militaire renforcé n'est pas incompatible avec le dialogue avec la Russie, au contraire. Redécouvrons le réalisme en politique étrangère que notre continent a trop longtemps oublié : la diplomatie s'appuie sur le rapport de force. Continuer de jouer un rôle militaire de premier plan renforcera notre crédibilité face à Moscou, et la confiance de nos partenaires européens, en particulier d'Europe centrale et du Nord. C'est en associant l'usage de force et la diplomatie directe avec le dirigeant serbe Milosevic que les Américains, sous la houlette de leur envoyé Richard Holbrooke, ont su mettre un terme à la guerre en Bosnie avec les Accords de Dayton en 1995.

À ce soutien militaire, s'ajoute l'aide économique et humanitaire. Une grande conférence internationale pour la résilience de la société civile en décembre, sous l'égide du président de la République, a permis de débloquer plus d'un milliard d'aide d'urgence face aux défis de l'hiver, et d'y associer des pays « non alignés » jusqu'alors absents de ces démarches. Avec cette conférence, mais aussi la diplomatie du président Macron sur les dossiers de la centrale nucléaire de Zaporijjia ou des exportations agricoles, la France s'impose comme une véritable puissance d'initiatives, à l'œuvre sur tous les tableaux. 

Face à cette guerre, nos valeurs et nos intérêts convergent. Nous défendons le droit d'un peuple voisin à vivre librement, condition du retour de l'ordre et la stabilité sur notre continent. Nous envoyons aussi un message de dissuasion clair d'autres agressions de ce type à l'avenir, de la part de la Russie ou d'autres puissances révisionnistes. Mais à travers le soutien à l'Ukraine, c'est aussi le leadership européen qui se joue. Cette guerre confirme l'urgence de nombreux combats portés par la France en Europe depuis des années : le réarmement et la coopération militaires, l'indépendance énergétique. Pour convaincre nos partenaires d'adopter des politiques communes, il est impératif de démontrer que nous répondons à leurs inquiétudes, que nous les protégeons. La France peut être la force pivot d'une Europe post-guerre réconciliée avec la puissance et la souveraineté, alors que les Américains se tournent vers le Pacifique. Le combat pour cette Europe se joue aujourd'hui en Ukraine.


Lien sur le site du Figaro